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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/192

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— Arakré tiotoeka[1].

— Arakré…

Allongé dans mon hamac sous la moustiquaire étouffante, quoique fatigué, mon esprit trotte. Je n’arrive pas à dormir. Mes compagnons ronflent déjà, j’envie leur repos.

Les torches sont éteintes, déjà la lune pâlit. Je me lève, comme oppressé, pour me promener au bord du fleuve, une grande paix règne sur le village endormi bercé par une litanie monotone semblable à une plainte de cauchemar.

Quelques chiens efflanqués s’attachent à mes pas et grognent sourdement, sans aboyer, en conservant leurs distances. J’en ai bientôt toute une meute sur mes talons qui reniflent avec fureur et me font appréhender un coup de croc dans les mollets.

D’un côté, la rivière argentée, sur une petite falaise ocrée le village et derrière cette falaise, une bande étroite de « serrado » éclairci. Une ligne sombre et discontinue qui doit être la forêt, marque l’horizon.

Comme il fait très chaud, les Indiens dorment en plein air devant leurs cases, sur des nattes posées à même le sol. Je bute dans des couples étroitement enlacés et m’excuse machinalement avec les mots conventionnels, tellement inusités en ces lieux que j’éclate de rire. Quelques ombres se relèvent à demi sur leurs coudes, me regardent sans émoi, murmurent quelque chose que je ne peux comprendre, puis se rendorment confiants.

L’une d’elles crie après les chiens qui taisent leurs gro-

  1. C’est bon…, merci.