Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la masse de coton brut tassée à ses pieds. Lorsque la toupie tourne très vite, de la boule de coton sortent des filaments ténus que les doigts humides de la vieille Indienne malaxent et étirent à volonté jusqu’à les lier les uns aux autres, formant ainsi une corde solide qui vient s’enrouler au-dessous de la plaque en os, au fur et à mesure de sa formation, en un écheveau bien ordonné.

Et le fuseau tourne toujours, la vieille pleure, les femmes mélangent des teintures, écrasent des graines tinctoriales de « roucou » avec de l’huile de « babassu » dans une calebasse et leurs doigts sont teintés du rouge de l’ « urucum » jusqu’à la paume des mains…, ou encore elles pressent des fruits appelés « genipapo » pour en extraire le suc et le mélanger à du noir de fumée obtenant ainsi une mixture bleuâtre qui, avec l’urucum, servira à peindre le corps des guerriers et leur donnera cette odeur caractéristique qui empuantit les villages dans un rayon de dix kilomètres.

Malhoa, qui s’est assis à côté de nous sur une natte de « buriti » nous offre un melon d’eau qui ressemble à une pastèque. Le poignard craquelle la croûte verte, je mords à plein nez dans la chair juteuse ourlée de graines noires ; une chair rouge vif, rose à la crête, des tranches découpées qui étanchent la soif et apaisent la faim. Malhoa crache les graines noires dans le feu, les unes après les autres, avec la précision d’un expert en balistique. J’essaie de l’imiter, mais j’échoue piteusement, bavant sur ma chemise. Dans la case c’est une débauche indescriptible d’objets bizarres, d’armes primitives, de peaux tannées qui pendent aux cloisons ou s’éparpillent sur le sol couvert