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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/258

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L’aube est splendide. Des brumes vite dissipées apportent une senteur printanière, la pampa s’étendant à perte de vue est impressionnante.

Départ. Nous avons quelque peine à nous mettre en selle. La longue colonne s’étire davantage au fur et à mesure que le soleil montant éclate dans l’azur resplendissant comme une boule de feu.

A chaque instant, il faut s’arrêter pour satisfaire à de légitimes et pressants besoins. A la fin, ce sont des loques sans force et sans courage qui vont au pas lent de leur monture, écroulées sur des selles dégoûtantes et fétides.

Nous ne pouvons plus descendre de cheval. Parce qu’on a peur de ne plus pouvoir se remettre en selle.

Qu’importe ? Qui est là pour critiquer ? Qui peut nous juger ? A-t-on seulement le droit de juger pareille chose ? Où sommes-nous, qu’attendons-nous ? Une grande fatalité s’empare de moi. Je me moque de ce qui peut arriver maintenant, je suis crevé.

Maniant le sabre d’abatis comme des automates, les hommes ouvrent une piste, une autre encore, dans l’inextricable végétation qui depuis trois jours nous fait tourner en rond. Ils précèdent la colonne qui avance péniblement. Les chevaux qui butent dans les racines, s’empêtrent dans les lianes, s’enlisent dans les mares. Pauvre Clairon !

Hommes et bêtes sont trempés de sueur, et cherchent vainement leur route, la vraie, celle qui nous ramènera sur les bords du Rio das Mortes.

— Courage, Français, murmure Meirelles.

Nos bidons sont vides, la soif, impérative, ardente, menace de limiter nos efforts. Les chevaux renâclent et