Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/69

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moustiquaire crevée et le hamac renversé, un arbre sur les jambes, un autre en guise de traversin. Je jure, j’essaie de me relever, je pousse un hurlement qui réveille le camp, sort le blessé de sa torpeur, affole les perroquets. Pablo accorut avec sa carabine, il allume les phares du camion. Secoué de grands frissons, je hur1e toujours. Je m’entends hurler sans pouvoir m’arrêter. C’est malgré moi. Je ne peux pas me taire. Je sens un grouillement énorme sur mon cou, mon visage. Je vois des trainées brunes sur ma poitrine. Des trainées qui raclent comme une coulée de lave incandescente pourrait sans doute le faire. Je crois bien avoir perdu connaissance.

Quelques claques, un verre de « cachassa », Pablo est penché sur moi, J’ai la fièvre, je le sens. Je tremble nerveusement et commence à gémir, le corps brillant comme soumis aux étincelles d’une forge.

— Ce sont des fourmis rouges, m’explique laconiquement Pablo. Tu avais installé ton hamac à deux arbres creux et bourrés jusqu’à la gueule de ces bestioles. La prochaine fois, tape les troncs avec ton sabre pour voir comment ils chantent…

Je me sens enfler. Si ça continue, j’éclate. Je suis presque aveugle, les yeux couverts de bourrelets débordant des paupières, mes doigts gourds râpent mon visage tuméfié. La fièvre me dessèche la gorge. On me transporte dans le hamac installé par Pablo, mais la moustiquaire est inutilisable.

Je n’arrive pas à dormir et suis en mesure d’apprécier la douceur des nuits tropicales. La lune argentée, le ciel constellé d’étoiles… Comme si les fourmis rouges ne suf-