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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/79

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l’œil torve, plongés dans des pensées qui, à en croire leurs mines, n’ont rien d’affriolant. Oh, ça ne dure qu’un instant, car il se trouve toujours quelque personne de bonne volonté pour secouer la torpeur soudaine et raconter une autre histoire.

— Oh, Casimiro… Pourquoi as-tu tué Alphonse ?

Casimiro est un grand mulâtre dégingandé qui, affalé sur son verre, sommeille d’un œil. Interpellé, il se re dresse, boit une large rasade.

— Comment, rétorque-t-il… Tu le demandes ? Quel sang de pute court dans tes veines ? Était-il possible de supporter chaque jour, du matin au soir, la vue d’un homme, aussi noir et aussi laid qu’Alphonse ?

Les autres approuvent gravement. En silence. Dans un coin de la salle, quelques noirs sont assis qui font semblant de ne pas avoir entendu. D’une main négligente, ils caressent le manche de bois du coutelas passé à leurs ceintures. J’ai cru un instant que le drame allait éclater. Non, rien ne se passe. Celui qui a raconté l’histoire boit de plus belle, ses compagnons le regardent. Dans la salle, maintenant, c’est le silence. La fumée des gros cigares noirs stagne. Il fait chaud. Le bouge semble quelque décor de théâtre. Il est dix heures. Dehors, le Rio scintille sous un ciel merveilleux et une grande paix soudaine s’est abattue sur le village.

Dans une case, quelques familles se sont réunies pour célébrer la messe. Les prospecteurs sont venus, embarrassés par leurs armes, intimidés malgré leur arrogance. Soudain presque humbles. Ils sont venus parce qu’ils ne savaient que faire, et qu’après tout, la messe à Leopol-