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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/99

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vivement la délicatesse du panorama que notre hôte s’exclama :

— Je voudrais avoir maintenant à mes côtés un de mes petits enfants indiens. Un de ceux auxquels j’ai appris à la mission à se vêtir et à imaginer d’autres horizons que ceux de sa rivière. Un de ces petits sauvages dont j’avais charge d’âme et je voudrais lire dans ses yeux la joie ou la peur, la surprise, l’ennui, enfin quelque chose d’humain et si je découvrais en lui les marques de l’émotion que nous ressentons tous, je croirais alors ma tâche bien remplie. Mais seraient-ils capables d’un tel sentiment qui n’est même pas toujours le propre de l’homme civilisé… que reste-t-il de tous nos efforts, à quoi aura servi le sacrifice de tant d’hommes massacrés dans l’accomplissement de leur devoir ?

L’ethnologue parut vouloir répondre, il ouvrit à demi ses lèvres, se tourna vers nous, puis haussant imperceptiblement les épaules, il plongea son regard sur la baie illuminée et superbe. Le père sourit et dit un peu pour lui-même, un peu pour nous, répondant à la muette intervention de son ami :

— Les résultats, hélas, souvent dépassent les sentiments qui sont à l’origine de nos actions… l’erreur est humaine.

L’erreur est humaine, en effet, mais inhumaine pour ceux-là qui en sont les victimes inconscientes et qui ont dû abdiquer leur originalité, leurs traditions et leur bien-être pour partager avec le blanc une vie de misère sous le fallacieux prétexte de s’assurer ainsi une éternité bienheureuse ; et les Indiens qui vivent dans la réserve de