Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/106

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passerelle. Me voici dans la vase, ayant fort à faire pour m’en tirer et crotté comme un jeune chien.

Crique Maxis, Montagne Maxis, Grande crique, Beké, liontagne de la mort et enfin, bois Ténecœur où nous faisons une pause, hors d’haleine d’avoir escaladé autant. La forêt sauvage ruisselle d’humidité. Une odeur de pourriture végétale monte avec les vapeurs amenées par le soleil que l’on imagine très haut déjà.

On ne voit aucun ciel, pas d’horizon, partout des arbres. Les criques minuscules se faufilent entre les troncs pourris et se perdent dans de profondes broussailles s’agrippant au sol où soudain je m’enfonce jusqu’aux hanches, ayant fait un crochet pour rattraper les porteurs.

La piste devient de plus en plus pénible, ce ne sont que marécages et pentes abruptes, mais au hasard de cette route quel enchantement de découvrir de là-haut, le lit d’une rivière minuscule encaissée entre deux montagnes, farouches d’ombres. Quelle brutalité dans ces verts, dans ces noirs ; l’homme se ramène à ses justes proportions, perdu dans un tel océan.

Un accès de paludisme me force à donner le signal d’une nouvelle pause, trois quinines, deux aspirines, je repose une heure ou deux complètement abruti, transi et grelottant.

Il faut partir tout de même et les derniers kilomètres sont durs à franchir. Nous atteignons un terrain peu accidenté, assez découvert, mais envahi d’une végétation tellement broussailleuse que l’on devine avant de les voir, qu’en cet endroit il y eut des cultures. En effet, quelques bananiers sauvages, un citronnier, des arbres sciés, débités, pas de carbets ; les bois se sont effondrés, la broussaille a recouvert le village Ouapa…