Page:Maupassant, Des vers, 1908.djvu/101

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L’AÏEUL.


 
L’aïeul mourait froid et rigide.
Il avait quatre-vingt-dix ans.
La blancheur de son front livide
Semblait blanche sur ses draps blancs.
Il entr’ouvrit son grand œil pâle,
Et puis il parla d’une voix
Lointaine et vague comme un râle,
Ou comme un souffle au fond des bois.

Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ?
Aux clairs matins de grand soleil
L’arbre fermentait sous la sève,
Mon cœur battait d’un sang vermeil.
Est-ce un souvenir, est-ce un rêve ?
Comme la vie est douce et brève !
Je me souviens, je me souviens
Des jours passés, des jours anciens !
J’étais jeune ! je me souviens !