Page:Maupassant, Des vers, 1908.djvu/84

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Que nous étions frappés de l’amour dont on meurt,
Et que par tous nos sens s’écoulait notre vie.

Nous nous sommes quittés en nous disant tout bas
Qu’au bord de l’eau, le soir, nous ne viendrions pas.

Mais, à l’heure ordinaire, une invincible envie
Me prit d’aller tout seul à l’arbre accoutumé
Rêver aux voluptés de ce corps tant aimé,
Promener mon esprit par toutes nos caresses,
Me coucher sur cette herbe et sur son souvenir.

Quand j’approchai, grisé des anciennes ivresses,
Elle était là, debout, me regardant venir.

Depuis lors, envahis par une fièvre étrange,
Nous hâtons sans répit cet amour qui nous mange
Bien que la mort nous gagne, un besoin plus puissant
Nous travaille et nous force à mêler notre sang.
Nos ardeurs ne sont point prudentes ni peureuses ;
L’effroi ne trouble pas nos regards embrasés ;
Nous mourons l’un par l’autre, et nos poitrines creuses
Changent nos jours futurs comme autant de baisers.
Nous ne parlons jamais. Auprès de cette femme
Il n’est qu’un cri d’amour, celui du cerf qui brame.
Ma peau garde sans fin le frisson de sa peau
Qui m’emplit d’un désir toujours âpre et nouveau,
Et si ma bouche a soif, ce n’est que de sa bouche !
Mon ardeur s’exaspère et ma force s’abat
Dans cet accouplement mortel comme un combat.
Le gazon est brûlé qui nous servait de couche,