Page:Maupassant - À propos du peuple, paru dans Le Gaulois, 19 novembre 1883.djvu/8

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peur.

Voici un vrai troupeau de femmes occupées à trier le charbon. Elles ont l’air de négresses dont la peau, par place, serait marbrée de taches pâles ; et elles regardent avec des yeux luisants, effrontés. Quelques-unes, dit-on, sont jolies. Comment le deviner sous ce masque noir.

En sortant de cette usine sombre, on aperçoit une mine à ciel ouvert. La veine de houille à fleur de terre descend peu à peu, s’enfonce obliquement. Pour la rejoindre, bientôt il faudra creuser à quatre cents mètres.

Puis on traverse la plaine pour joindre une de ces constructions à haute cheminée qui indiquent l’ouverture des puits.

À tout instant il faut enjamber les lignes de fer ; à tout instant, un train de houille arrive allant des mines aux usines, des usines aux mines. Toute la campagne est sillonnée de locomotives qui fument, de wagons descendant seuls les pentes. C’est un incroyable emmêlement de rails déroulés comme des fils noirs sur le sol gris où pousse une herbe malade.

Nous atteignons le puits Sainte-Marie.

À fleur de terre sous une couche de sable, on aperçoit un grand carré de petits chapeaux de fonte que surmontent des soupapes. Et de toutes ces cloches sortent de minces jets de vapeur. Une chaleur terrible s’en dégage. C’est là le dessus des chaudières.

La machine, à côté, installée dans une belle bâtisse, marche lentement, faisant tourner un lourd volant d’une façon calme