Page:Maupassant - À qui la faute, paru dans Le Gaulois, 25 janvier 1882.djvu/5

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Et nous entendrons bientôt des conversations comme celle-ci : « Je viens de gagner quarante millions à la Bourse ; prêtez-moi donc quarante sous pour aller dîner. » Ou bien ceci : « Oh ! mon cher, quel désastre ; je viens de perdre en deux heures huit cents millions. » Et l’ami confident s’effondrera, sans réfléchir que, du moment qu’on ne paye pas, il est absolument indifférent de perdre huit cents millions ou deux cents francs.

Ce que je ne comprends pas du tout, par exemple, c’est le résultat de cette débâcle pour la prospérité générale. Car on a employé ces grands mots. Or voici des milliards perdus, ou bien ils sont en d’autres poches : alors que nous importe ? Ou bien ils étaient fictifs : alors pourquoi ces cris ?

Et que dire de cette invocation au gouvernement que les spéculateurs lyonnais appellent « papa » en s’asseyant sur ses genoux :

— Papa, paye mes dettes. Ne le ferai plus : te promets, te jure, paye mes dettes, serai bien sage.

En quoi la folie de ces gens regarde-t-elle le gouvernement ? Ils sont ruinés, tant pis pour eux ! il en viendra d’autres à leur place.



Ô moutons de Dindenault ! Nous l’avons toujours été et le serons toujours. Jadis, quand un fou quelconque, que les