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LA FARCE.


mémoires d’un farceur.




Nous vivons dans un siècle où les farceurs ont des allures de croque-morts et se nomment : politiciens. On ne fait plus chez nous la vraie farce, la bonne farce, la farce joyeuse, saine et simple de nos pères. Et, pourtant, quoi de plus amusant et de plus drôle que la farce ? Quoi de plus amusant que de mystifier des âmes crédules, que de bafouer des niais, de duper les plus malins, de faire tomber les plus retors en des pièges inoffensifs et comiques ? Quoi de plus délicieux que de se moquer des gens avec talent, de les forcer à rire eux-mêmes de leur naïveté, ou bien, quand ils se fâchent, de se venger par une nouvelle farce ?

Oh ! j’en ai fait, j’en ai fait des farces, dans mon existence. Et on m’en a fait aussi, morbleu ! et de bien bonnes. Oui, j’en ai fait, de désopilantes et de terribles. Une de mes victimes est morte des suites. Ce ne fut une perte pour personne. Je dirai cela un jour ; mais j’aurai grand mal à le faire avec retenue, car ma farce n’était pas convenable, mais pas du tout, pas du tout. Elle eut lieu dans un petit village des environs de Paris. Tous les témoins pleurent encore de rire à