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ŒUVRES POSTHUMES.

tressaillant au moindre bruit. Tout semblait calme dans le château. Je m’endormis.

J’ai dû dormir longtemps, et d’un profond sommeil ; mais soudain je fus réveillé en sursaut par la chute d’un corps pesant abattu sur le mien, et, en même temps, je reçus sur la figure, sur le cou, sur la poitrine un liquide brûlant qui me fit pousser un hurlement de douleur. Et un bruit épouvantable comme si un buffet chargé de vaisselle se fût écroulé m’entra dans les oreilles.

J’étouffais sous la masse tombée sur moi, et qui ne remuait plus. Je tendis les mains, cherchant à reconnaître la nature de cet objet. Je rencontrai une figure, un nez, des favoris. Alors, de toute ma force, je lançai un coup de poing dans ce visage. Mais je reçus immédiatement une grêle de gifles qui me firent sortir, d’un bond, de mes draps trempés, et me sauver, en chemise, dans le corridor, dont j’apercevais la porte ouverte.

Ô stupeur ! il faisait grand jour. On accourut au bruit et on trouva, étendu sur mon lit, le valet de chambre éperdu qui, m’apportant le thé du matin, avait rencontré sur sa route ma couche improvisée, et m’était tombé sur le ventre en me versant, bien malgré lui, mon déjeuner sur la figure.

Les précautions prises de bien fermer les auvents et de me coucher au milieu de ma chambre m’avaient seules fait la farce redoutée.

Ah ! on a ri, ce jour-là ! »

L’autre farce que je veux dire date de ma première jeunesse.

« J’avais quinze ans, et je venais passer chaque vacance chez mes parents, toujours dans un château, toujours en Picardie.