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ŒUVRES POSTHUMES.

— Peut-être qu’elle venait chercher son éfant qu’était soldat d’artillerie et dont elle n’avait pas de nouvelles.

Et l’autre répondit :

— P’t'être ben que oui tout de même.

Et moi qui avais vu des choses bien terribles, je me mis à pleurer. Et je sentis, en face de cette morte, dans cette nuit glacée, au milieu de cette plaine noire, devant ce mystère, devant cette inconnue assassinée, ce que veut dire ce mot : « Horreur ».

Or j’ai eu cette même sensation, l’an dernier, en interrogeant un des survivants de la mission Flatters, un tirailleur algérien.

Vous savez les détails de ce drame atroce. Il en est un cependant que vous ignorez peut-être.

Le colonel allait au Soudan par le désert et traversait l’immense territoire des Touaregs, qui sont, dans tout cet océan de sable qui va de l’Atlantique à l’Égypte et du Soudan à l’Algérie, des espèces de pirates comparables à ceux qui ravageaient les mers autrefois.

Les guides qui conduisaient la colonne appartenaient à la tribu des Chambaa, de Ouargla.

Or, un jour, on établit le camp en plein désert, et les Arabes déclarèrent que, la source étant encore un peu loin, ils iraient chercher de l’eau avec tous les chameaux.

Un seul homme prévint le colonel qu’il était trahi :

Flatters n’en crut rien et accompagna le convoi avec les ingénieurs, les médecins et presque tous ses officiers.

Ils furent massacrés autour de la source, et tous les chameaux capturés.

Le capitaine du bureau arabe de Ouargla, demeuré au camp, prit le commandement des survivants, spahis et tirailleurs, et on commença la retraite, en