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ŒUVRES POSTHUMES.

douée d’une nature calme, elle ne demandait rien de plus au destin.

Elle s’éprit vite de sa nièce, et quand Boutemart lui parla de garder la jeune fille près de lui, elle l’en dissuada de toute sa force en lui représentant que Germaine deviendrait, aux jours du mariage, une personne fort recherchée. Il fallait avant tout achever son instruction et son éducation aussi parfaitement que possible. Cela ne pouvait se faire qu’à Paris. Elle serait un très beau parti et il fallait qu’elle n’ignorât rien de ce qu’elle devait savoir, comme connaissances sérieuses pour commencer, et puis comme arts d’agrément, danse, musique, et tant de choses encore qui complètent la dot d’une fille riche. Il la mettrait donc dans une grande maison d’éducation, et la tante se chargeait de l’aller voir souvent, très souvent, de la faire sortir toutes les semaines, et même de la garder quelques jours chez elle, de temps en temps.

Cette femme, dont le mari avait rempli de hautes fonctions au ministère des travaux publics, garda dans son veuvage de belles relations, et elle était fort bien vue. Son frère, comprenant tous les avantages de cette combinaison, l’accepta donc, et la tante, au commencement du printemps, emmena sa nièce avec elle.

Elle la fit entrer dans une de ces élégantes pensions mondaines où l’on élève les orphelines bien nées, et où l’on garde des étrangères opulentes pendant que les parents voyagent. Elle y eut un joli logement, une femme de chambre, et des professeurs de choix. Elle suivit aussi des cours en ville, ces cours de demoiselles où la moitié des jeunes filles de Paris se rencontrent et font connaissance pour plus tard, celles de la bourgeoisie et celles de la noblesse, les demi-riches, les riches et les très riches.