tu amènes des gens, ce n'est pas une raison pour dévorer tout ce qu'il y a dans la maison. Qu'est-ce que je mangerai, moi, ce soir, Monsieur ?
Les deux hommes se levèrent, sortirent devant la porte, et le petit père Boivin, dit Boileau, coula dans l'oreille de Patissot :
- Attendez-moi une minute et nous filons !
Puis il passa dans la pièce à côté pour compléter sa toilette ; alors Patissot entendit ce dialogue :
- Donne-moi vingt sous, ma chérie ?
- Qu'est-ce que tu veux faire avec vingt sous ?
- Mais on ne sait pas ce qui peut arriver ; il est toujours bon d'avoir de l'argent.
Elle hurla, pour être entendue du dehors :
- Non, Monsieur, je ne te les donnerai pas ; puisque cet homme a déjeuné chez toi, c'est bien le moins qu'il paye tes dépenses de la journée.
Le père Boivin revint prendre Patissot ; mais celui-ci, voulant être poli, s'inclina devant la maîtresse du logis, et balbutia :
- Madame... remerciement... gracieux accueil...
Elle répondit :
- C'est bon, - mais n'allez pas me le ramener soûl, parce que vous auriez affaire à moi - vous savez !
Et ils partirent.
On gagna le bord de la Seine, en face d'une île plantée de peupliers. Boivin, regardant la rivière avec tendresse, serra le bras de son voisin.
- Hein ! dans huit jours, on y sera, monsieur Patissot.
- Où sera-t-on, monsieur Boivin ?
- Mais... à la pêche : elle ouvre le quinze.
Patissot eut un petit frémissement, comme lorsqu'on rencontre pour la première fois la femme qui ravagea votre âme. Il répondit :