Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/55

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sous à ce citoyen du fouet, pour lui céder son logis de midi jusqu'à minuit. L'offre aussitôt fut acceptée.

Alors il s'inquiéta de la décoration.

Trois drapeaux, quatre lanternes, était-ce assez pour donner à cette tabatière une physionomie artistique ?... pour exprimer toute l'exaltation de son âme ?... Non assurément ! Mais, malgré de longues recherches et des méditations nocturnes, M. Patissot n'imagina rien autre chose. Il consulta ses voisins, qui s'étonnèrent de sa question ; il interrogea ses collègues... Tout le monde avait acheté des lanternes et des drapeaux, en y joignant, pour le jour, des décorations tricolores.

Alors il se mit à la recherche d'une idée originale. Il fréquenta les cafés, abordant les consommateurs ; ils manquaient d'imagination. Puis, un matin, il monta sur l'impériale d'un omnibus. Un monsieur d'aspect respectable fumait un cigare à son côté ; un ouvrier, plus loin, grillait sa pipe renversée ; deux voyous blaguaient près du cocher ; et des employés de tout ordre allaient à leurs affaires moyennant trois sous.

Devant les boutiques, des gerbes de drapeaux resplendissaient sous le soleil levant. Patissot se tourna vers son voisin.

"Ce sera une belle fête", dit-il.

Le monsieur lui jeta un regard de travers, et, d'un air rogue :

"C'est ça qui m'est égal !"

- Vous n'y prendrez pas part ? demanda l'employé stupéfait.

L'autre remua dédaigneusement la tête et déclara :

- Ils me font pitié avec leur fête ! De quoi la fête ? Est-ce du gouvernement ?... Je ne le connais pas, le gouvernement, moi, Monsieur !