Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/257

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Le froid devenait mordant, piquait les yeux et la peau. Le vent desséchant des sommets soufflait, brûlant les gorges, apportant les haleines gelées de cent lieues de pics de glace.

Quand on parvint au faite, il faisait nuit encore. On déballa toutes les provisions pour boire le champagne au soleil levant.

Le ciel pâlissait sur nos têtes. Nous apercevions déjà un gouffre à nos pieds ; puis, à quelques centaines de mètres, un autre sommet.

L'horizon entier semblait livide, sans qu'on distinguât rien encore au loin.

Bientôt on découvrit, à gauche, une cime énorme, la Jungfrau, puis une autre, puis une autre. Elles apparaissaient peu à peu comme si elles se fussent levées dans le jour naissant. Et nous demeurions stupéfaits de nous trouver ainsi au milieu de ces colosses, dans ce pays désolé de la neige éternelle. Soudain, en face, se déroula la chaîne démesurée du Piémont. D'autres cimes apparurent au nord. C'était bien l'immense pays des grands monts aux fronts glacés, depuis le Rhindenhorn, lourd comme son nom, jusqu'au fantôme à peine visible du patriarche des Alpes, le mont