En face de moi, derrière un morceau de plaine inculte, l’Océan sale et grondant sous un ciel noir ; puis, partout, la lande ! Là-bas, à droite, la mer du Morbihan, avec ses rives déchirées, et, plus loin, à peine visible, une terre blanche illuminée, Vannes, qu’éclairait un rayon de soleil, glissé on ne sait comment, entre deux nuages. Puis encore très loin, un cap démesuré : Quiberon !
Et tout cela, triste, mélancolique, navrant. Le vent pleurait en parcourant ces espaces mornes ; j’étais bien dans le vieux pays hanté ; et, dans ces murs, dans ces ajoncs ras et sifflants, dans ces fossés où l’eau croupit, je sentais rôder des légendes.
Le lendemain, je traversais Saint-Gildas, où semble errer le spectre d’Abélard. A Port-Navalo, le marin qui me fit passer le détroit me parla de son père, un chouan, de son frère aîné, un chouan, et de son oncle, le curé, encore un chouan, morts tous les trois… Et sa main étendue montrait Quiberon.
A Locmariaker, j’entrai dans la patrie des druides. Un Breton me montra la table de César, un monstre de granit soulevé par des colosses ; puis il me parla de César comme d’un ancien qu’il aurait vu.