Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avons l'air de barbares au milieu de ces barbares, brutes il est vrai, mais qui sont chez eux, et à qui les siècles ont appris des coutumes dont nous semblons n'avoir pas encore compris le sens. Napoléon III a dit un mot sage (peut-être soufflé par un ministre): "Ce qu'il faut à l'Algérie, ce ne sont pas des conquérants, mais des initiateurs." Or nous sommes restés des conquérants brutaux, maladroits, infatués de nos idées toutes faites. Nos moeurs imposées, nos maisons parisiennes, nos usages choquent sur ce sol comme des fautes grossières d'art, de sagesse et de compréhension. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants premiers qu'à la terre elle-même.

J'ai vu quelques jours après mon arrivée un bal en plein air à Mustapha. C'était la fête de Neuilly. Des boutiques de pain d'épice, des tirs, des loteries, le jeu des poupées et des couteaux, des somnambules, des femmes-silures, et des calicots dansant avec des demoiselles de magasin les vrais quadrilles de Bullier, tandis que derrière l'enceinte où l'on payait pour entrer, dans la plaine large et