Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/93

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jours auparavant au milieu des Oulad-Naïl dans le café maure de Boukhrari.

J’avais été frappé par la finesse et l’éclatante blancheur de vêtements de ce frêle petit Arabe, par son allure noble, et par le respect que chacun semblait lui témoigner ; et, comme je m’étonnais qu’on le laissât ainsi rôder, à cet âge, au milieu des courtisanes, on me répondit :

- C’est le plus jeune fils du bach’agha. Il vient ici pour apprendre la vie et connaître les femmes ! ! !

Comme nous voici loin de nos moeurs françaises !

L’enfant me reconnut aussi et vint gravement me tendre la main. Puis, comme son âge ne le contraignait pas encore au jeune, il s’assit avec nous et se mit, de ses petits doigts fins et maigres, à dépecer le mouton rôti. Et je crus comprendre que ses grands frères, les deux caïds, qui devaient avoir environ quarante ans, le plaisantaient sur son voyage au ksar, lui demandant d’où lui venait cette cravate de soie qu’il portait au cou, si c’était un cadeau de femme ?

Ce jour-là, l’ombre des arbres nous permit de faire la sieste. je me réveillai comme le soir tombait, et je gravis un monticule voisin pour avoir l’oeil sur tout l’horizon.