Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/134

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— Moi, quand j’aime une femme, tout disparaît du monde autour d’elle.

Il disait cela avec conviction, s’exaltant à la pensée de cette jouissance d’amour, dans le bien-être de la jouissance de table qu’il goûtait.

Mme  Forestier murmura, avec son air de n’y point toucher :

— Il n’y a pas de bonheur comparable à la première pression des mains, quand l’un demande : « M’aimez-vous ? » et quand l’autre répond : « Oui, je t’aime. »

Mme  de Marelle, qui venait de vider d’un trait une nouvelle flûte de champagne, dit gaiement, en reposant son verre :

— Moi, je suis moins platonique.

Et chacun se mit à ricaner, l’œil allumé, en approuvant cette parole.

Forestier s’étendit sur le canapé, ouvrit les bras, les appuya sur des coussins et d’un ton sérieux :

— Cette franchise vous honore et prouve que vous êtes une femme pratique. Mais peut-on vous demander quelle est l’opinion de M. de Marelle ?

Elle haussa les épaules lentement, avec un dédain infini, prolongé, puis d’une voix nette :

— M. de Marelle n’a pas d’opinion en