Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/168

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— Alors… c’est bien vrai… ça ?

En une seconde, il retourna toutes ses poches, celles du pantalon, celles du gilet, celles de la jaquette, et il murmura :

— Tiens… es-tu contente… maintenant ?

Brusquement, ouvrant ses deux bras avec un élan passionné, elle lui sauta au cou, en bégayant.

— Oh ! mon pauvre chéri… mon pauvre chéri… si j’avais su ! Comment cela t’est-il arrivé ?

Elle le fit asseoir, et s’assit elle-même sur ses genoux, puis le tenant par le cou, le baisant à tout instant, baisant sa moustache, sa bouche, ses yeux, elle le força à raconter d’où lui venait cette infortune.

Il inventa une histoire attendrissante. Il avait été obligé de venir en aide à son père qui se trouvait dans l’embarras. Il lui avait donné non seulement toutes ses économies, mais il s’était endetté gravement.

Il ajouta :

— J’en ai pour six mois au moins à crever de faim, car j’ai épuisé toutes mes ressources. Tant pis, il y a des moments de crise dans la vie. L’argent, après tout, ne vaut pas qu’on s’en préoccupe.

Elle lui souffla dans l’oreille :

— Je t’en prêterai, veux-tu ?