Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous savez que ce sera joué à l’Odéon l’hiver prochain ?

— Ah ! vraiment. J’irai certainement voir cette tentative très littéraire.

Mme  Walter répondait gracieusement, avec calme et indifférence, sans hésiter jamais sur ce qu’elle devait dire, son opinion étant toujours prête d’avance.

Mais elle s’aperçut que la nuit venait et elle sonna pour les lampes, tout en écoutant la causerie qui coulait comme un ruisseau de guimauve, et en pensant qu’elle avait oublié de passer chez le graveur pour les cartes d’invitation du prochain dîner.

Elle était un peu trop grasse, belle encore, à l’âge dangereux où la débâcle est proche. Elle se maintenait à force de soins, de précautions, d’hygiène et de pâtes pour la peau. Elle semblait sage en tout, modérée et raisonnable, une de ces femmes dont l’esprit est aligné comme un jardin français. On y circule sans surprise, tout en y trouvant un certain charme. Elle avait de la raison, une raison fine, discrète et sûre qui lui tenait lieu de fantaisie, de la bonté, du dévouement, et une bienveillance tranquille, large pour tout le monde et pour tout.

Elle remarqua que Duroy n’avait rien dit, qu’on ne lui avait point parlé, et qu’il sem-