Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/313

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Il avait baissé les yeux ; il préparait son début. Il commença d’une voix lente :

— Ma chère amie, tu me vois fort troublé, fort triste et fort embarrassé de ce que j’ai à t’avouer. Je t’aime beaucoup, je t’aime vraiment du fond du cœur, aussi la crainte de te faire de la peine m’afflige-t-elle plus encore que la nouvelle même que je vais t’apprendre.

Elle pâlissait, se sentant trembler, et elle balbutia :

— Qu’est-ce qu’il y a ? Dis vite !

Il prononça d’un ton triste, mais résolu, avec cet accablement feint dont on use pour annoncer les malheurs heureux :

— Il y a que je me marie.

Elle poussa un soupir de femme qui va perdre connaissance, un soupir douloureux venu du fond de la poitrine, puis elle se mit à suffoquer, sans pouvoir parler, tant elle haletait.

Voyant qu’elle ne disait rien, il reprit :

— Tu ne te figures pas combien j’ai souffert avant d’arriver à cette résolution. Mais je n’ai ni situation ni argent. Je suis seul, perdu dans Paris. Il me fallait auprès de moi quelqu’un qui fût surtout un conseil, une consolation et un soutien. C’est une associée, une alliée que j’ai cherchée et que j’ai trouvée !