Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/330

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le savait bien, une douzaine entière de ces vêtements de matinée. Elle ne pouvait pourtant point détruire son trousseau pour en acheter un neuf ? N’importe, il eût voulu que son linge de chambre, son linge de nuit, son linge d’amour ne fût plus le même qu’avec l’autre. Il lui semblait que l’étoffe moelleuse et tiède devait avoir gardé quelque chose du contact de Forestier.

Et il alla vers la fenêtre en allumant une cigarette.

La vue du port, du large fleuve plein de navires aux mâts légers, de vapeurs trapus, que des machines tournantes vidaient à grand bruit sur les quais, le remua, bien qu’il connût cela depuis longtemps. Et il s’écria :

— Bigre, que c’est beau !

Madeleine accourut et posant ses deux mains sur une épaule de son mari, penchée vers lui dans un geste abandonné, elle demeura ravie, émue. Elle répétait :

— Oh ! que c’est joli ! que c’est joli ! Je ne savais pas qu’il y eût tant de bateaux que ça ?

Ils partirent une heure plus tard, car ils devaient déjeuner chez les vieux, prévenus depuis quelques jours. Un fiacre découvert et rouillé les emporta avec un bruit de chaudronnerie secouée. Ils suivirent un long boulevard assez laid, puis traversèrent des