Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/394

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Personne ne parlait plus, tant on les regardait. Puis, quand ils se furent serré la main, après le dernier coup de bouton, des cris éclatèrent, des hurras. On trépignait, on hurlait. Tout le monde connaissait leurs noms : c’étaient Sergent et Ravignac.

Les esprits exaltés devenaient querelleurs. Les hommes regardaient leurs voisins avec des envies de dispute. On se serait provoqué pour un sourire. Ceux qui n’avaient jamais tenu un fleuret en leur main esquissaient avec leurs cannes des attaques et des parades.

Mais peu à peu la foule remontait par le petit escalier. On allait boire, enfin. Ce fut une indignation quand on constata que les gens du bal avaient dévalisé le buffet, puis s’en étaient allés en déclarant qu’il était malhonnête de déranger deux cents personnes pour ne leur rien montrer.

Il ne restait pas un gâteau, pas une goutte de champagne, de sirop ou de bière, pas un bonbon, pas un fruit, rien, rien de rien. Ils avaient saccagé, ravagé, nettoyé tout.

On se faisait raconter les détails par les servants qui prenaient des visages tristes en cachant leur envie de rire. « Les dames étaient plus enragées que les hommes, affirmaient-ils, et avaient mangé et bu à s’en rendre malades. » On aurait cru entendre le