Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/476

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— Elle hésita, puis reprit :

— Parce que tu es mon mari… que tu ne le connais en somme que depuis peu… parce que je suis son amie depuis très longtemps… moi… parce que son premier testament, fait du vivant de Forestier, était déjà en ma faveur.

Georges s’était mis à marcher à grands pas. Il déclara :

— Tu ne peux pas accepter ça.

Elle répondit, avec indifférence :

— Parfaitement : alors, ce n’est pas la peine d’attendre à samedi ; nous pouvons faire prévenir tout de suite M. Lamaneur.

Il s’arrêta en face d’elle ; et ils demeurèrent de nouveau quelques instants les yeux dans les yeux, s’efforçant d’aller jusqu’à l’impénétrable secret de leurs cœurs, de se sonder jusqu’au vif de la pensée. Ils tâchaient de se voir à nu la conscience en une interrogation ardente et muette : lutte intime de deux êtres qui, vivant côte à côte, s’ignorent toujours, se soupçonnent, se flairent, se guettent, mais ne se connaissent pas jusqu’au fond vaseux de l’âme.

Et, brusquement, il lui murmura dans le visage, à voix basse :

— Allons, avoue que tu étais la maîtresse de Vaudrec.