Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/69

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l’amenait, d’un seul coup, à la réalisation de son espérance. Il épousait la fille d’un banquier ou d’un grand seigneur rencontrée dans la rue et conquise à première vue.

Le sifflet strident d’une locomotive qui, sortie toute seule du tunnel, comme un gros lapin de son terrier, et courant à toute vapeur sur les rails, filait vers le garage des machines, où elle allait se reposer, le réveilla de son songe.

Alors, ressaisi par l’espoir confus et joyeux qui hantait toujours son esprit, il jeta, à tout hasard, un baiser dans la nuit, un baiser d’amour vers l’image de la femme attendue, un baiser de désir vers la fortune convoitée. Puis il ferma sa fenêtre et commença à se dévêtir en murmurant : « Bah, je serai mieux disposé demain matin. Je n’ai pas l’esprit libre ce soir. Et puis, j’ai peut-être aussi un peu trop bu. On ne travaille pas bien dans ces conditions-là. »

Il se mit au lit, souffla la lumière, et s’endormit presque aussitôt.

Il se réveilla de bonne heure, comme on s’éveille aux jours d’espérance vive ou de souci, et, sautant du lit, il alla ouvrir sa fenêtre pour avaler une bonne tasse d’air frais, comme il disait.

Les maisons de la rue de Rome, en face,