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  la main d’écorché. 99

bout de l’allée la bêche des fossoyeurs qui creusaient la tombe. Tout à coup, ils nous appelèrent, le curé ferma son livre et nous allâmes voir ce qu’ils nous voulaient. Ils avaient trouvé un cercueil. D’un coup de pioche, ils firent sauter le couvercle et nous aperçûmes un squelette démesurément long, couché sur le dos, qui de son œil creux semblait encore nous regarder et nous défier ; j’éprouvai un malaise, je ne sais pourquoi, j’eus presque peur. « Tiens ! s’écria un des hommes, regardez donc, le gredin a un poignet coupé, voilà sa main. » Et il ramassa à côté du corps une grande main desséchée qu’il nous présenta. « Dis donc, fit l’autre en riant, on dirait qu’il te regarde et qu’il va te sauter à la gorge pour que tu lui rendes sa main. » — « Allons mes amis, dit le curé, laissez les morts en paix et refermez ce cercueil, nous creuserons autre part la tombe de ce pauvre Monsieur Pierre. »

Le lendemain tout était fini et je reprenais la route de Paris après avoir laissé 50 francs au vieux curé pour dire des messes pour le repos de l’âme de celui dont nous avions ainsi troublé la sépulture.


Signé : Joseph Prunier.

Almanach de Pont-à-Mousson, 1875.