Page:Maupassant - Boule de suif.djvu/30

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peu tremblante sa longue barbe roussâtre. Ils voulaient garder de la dignité, comprenant qu’en ces rencontres-là chacun représente un peu son pays ; et pareillement révoltés par la souplesse de leurs compagnons, elle, tâchait de se montrer plus fière que ses voisines, les femmes honnêtes, tandis que lui, sentant bien qu’il devait l’exemple, continuait en toute son attitude sa mission de résistance commencée au défoncement des routes.

On entra dans la vaste cuisine de l’auberge, et l’Allemand, s’étant fait présenter l’autorisation de départ signée par le général en chef et où étaient mentionnés les noms, le signalement et la profession de chaque voyageur, examina longuement tout ce monde, comparant les personnes aux renseignements écrits.

Puis il dit brusquement : — « C’est pien », et il disparut.

Alors on respira. On avait faim encore ; le souper fut commandé. Une demi-heure était nécessaire pour l’apprêter ; et, pendant que deux servantes avaient l’air de s’en occuper, on alla visiter les chambres. Elles se trouvaient toutes dans un long couloir que terminait une porte vitrée marquée d’un numéro parlant.

Enfin on allait se mettre à table, quand le patron de l’auberge parut lui-même. C’était un ancien marchand de chevaux, un gros homme asthmatique, qui avait toujours des sifflements, des enrouements, des chants de glaires dans le larynx. Son père lui avait transmis le nom de Follenvie.

Il demanda :

— Mademoiselle Élisabeth Rousset ?