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la reine hortense

C’était une vieille fille, en effet, une de ces vieilles filles à la voix cassante, au geste sec, dont l’âme semble dure. Elle n’admettait jamais ni contradiction, ni réplique, ni hésitation, ni nonchalance, ni paresse, ni fatigue. Jamais on ne l’avait entendue se plaindre, regretter quoi que ce fût, envier n’importe qui. Elle disait « Chacun sa part » avec une conviction de fataliste. Elle n’allait pas à l’église, n’aimait pas les prêtres, ne croyait guère à Dieu, appelant toutes les choses religieuses de la « marchandise à pleureurs ».

Depuis trente ans qu’elle habitait sa petite maison, précédée d’un petit jardin longeant la rue, elle n’avait jamais modifié ses habitudes, ne changeant que ses bonnes impitoyablement, lorsqu’elles prenaient vingt et un ans.

Elle remplaçait sans larmes et sans regrets ses chiens, ses chats et ses oiseaux quand ils mouraient de vieillesse ou d’accident, et elle enterrait les animaux trépassés dans une plate-bande, au moyen d’une petite bêche, puis tassait la terre dessus de quelques coups de pied indifférents.

Elle avait dans la ville quelques connaissances,