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le pardon

au crayon. Elle lut : « Viens seul m’embrasser, mon pauvre ami, je vais mourir. »

Elle ne comprit pas d’abord, et restait là stupide, frappée surtout par l’idée de mort. Puis, soudain, le tutoiement saisit sa pensée ; et ce fut comme un grand éclair illuminant son existence, lui montrant toute l’infâme vérité, toute leur trahison, toute leur perfidie. Elle comprit leur longue astuce, leurs regards, sa bonne foi jouée, sa confiance trompée. Elle les revit l’un en face de l’autre, le soir sous l’abat-jour de sa lampe, lisant dans le même livre, se consultant de l’œil à la fin des pages.

Et son cœur soulevé d’indignation, meurtri de souffrance, s’abîma dans un désespoir sans bornes.

Des pas retentirent ; elle s’enfuit et s’enferma chez elle.

Son mari, bientôt, l’appela.

— Viens vite, Mme Rosset va mourir.

Berthe parut sur sa porte et, la lèvre tremblante :

— Retournez seul auprès d’elle, elle n’a pas besoin de moi.