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une veuve

basse et le poil collé sur les côtes, et les jeunes chasseresses en leur taille de drap collante et traversée de pluie, rentraient chaque soir las de corps et d’esprit.

Dans le grand salon, après dîner, on jouait au loto, sans plaisir, tandis que le vent faisait sur les volets des poussées bruyantes et lançait les vieilles girouettes en des tournoiements de toupie. On voulut alors conter des histoires, comme il est dit en des livres ; mais personne n’inventait rien d’amusant. Les chasseurs narraient des aventures à coups de fusil, des boucheries de lapins ; et les femmes se creusaient la tête sans y découvrir jamais l’imagination de Scheherazade.

On allait renoncer à ce divertissement, quand une jeune femme, en jouant, sans y penser, avec la main d’une vieille tante restée fille, remarqua une petite bague faite avec des cheveux blonds, qu’elle avait vue souvent sans y réfléchir.

Alors, en la faisant rouler doucement autour du doigt, elle demanda : « Dis donc, tante, qu’est-ce que c’est que cette bague ? On dirait des cheveux d’enfant… » La vieille demoiselle rougit, puis pâlit ; puis, d’une voix tremblante :