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une veuve

pour en arriver là ! » Rien de plus. Elles s’apitoyaient sur les drames du cœur et ne s’en indignaient jamais, même quand ils étaient criminels.

« Or, un automne, un jeune homme, M. de Gradelle, invité pour la chasse, enleva la jeune fille.

« M. de Santèze resta calme, comme s’il ne s’était rien passé ; mais, un matin, on le trouva pendu dans le chenil, au milieu des chiens.

« Son fils mourut de la même façon, dans un hôtel, à Paris, pendant un voyage qu’il fit en 1841, après avoir été trompé par une chanteuse de l’Opéra.

« Il laissait un enfant âgé de douze ans, et une veuve, la sœur de ma mère. Elle vint avec le petit habiter chez mon père, dans notre terre de Bertillon. J’avais alors dix-sept ans.

« Vous ne pouvez vous figurer quel étonnant et précoce enfant était ce petit Santèze. On eût dit que toutes les facultés de tendresse, que toutes les exaltations de sa race étaient retombées sur celui-là, le dernier. Il rêvait toujours et se promenait seul, pendant des heures, dans une grande allée d’ormes allant du château jusqu’au bois. Je