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mademoiselle cocotte

choses les plus simples, les plus humbles, sont parfois celles qui nous mordent le plus au cœur.

Et voici l’aventure de cet homme qu’on avait sue tout entière par un palefrenier, son camarade.

Dans la banlieue de Paris vivait une famille de bourgeois riches. Ils habitaient une villa au milieu d’un parc, au bord de la Seine. Le cocher était ce François, gars de campagne, un peu lourdaud, bon cœur, niais, facile à duper.

Comme il rentrait un soir chez ses maîtres, un chien se mit à le suivre. Il n’y prit point garde d’abord ; mais l’obstination de la bête à marcher sur ses talons le fit bientôt se retourner. Il regarda s’il connaissait ce chien. — Non, il ne l’avait jamais vu.

C’était une chienne d’une maigreur affreuse avec de grandes mamelles pendantes. Elle trottinait derrière l’homme d’un air lamentable et affamé, la queue entre les pattes, les oreilles collées contre la tête, et s’arrêtait quand il s’arrêtait, repartant quand il repartait.

Il voulait chasser ce squelette de bête et cria : « Va-t’en. Veux-tu bien te sauver ! — Hou !