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apparition

« En approchant du château, je cherchais dans ma poche la lettre que j’avais pour le jardinier, et je m’aperçus avec étonnement qu’elle était cachetée. Je fus tellement surpris et irrité que je faillis revenir sans m’acquitter de ma commission. Puis je songeai que j’allais montrer là une susceptibilité de mauvais goût. Mon ami avait pu d’ailleurs fermer ce mot sans y prendre garde, dans le trouble où il était.

« Le manoir semblait abandonné depuis vingt ans. La barrière, ouverte et pourrie, tenait debout on ne sait comment. L’herbe emplissait les allées ; on ne distinguait plus les plates-bandes du gazon.

« Au bruit que je fis en tapant à coups de pied dans un volet, un vieil homme sortit d’une porte de côté et parut stupéfait de me voir. Je sautai à terre et je remis ma lettre. Il la lut, la relut, la retourna, me considéra en dessous, mit le papier dans sa poche et prononça :

« — Eh bien ! qu’est-ce que vous désirez ?

« Je répondis brusquement :

« — Vous devez le savoir, puisque vous avez reçu là dedans les ordres de votre maître ; je veux entrer dans ce château.