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le père

arbres, contemplant les étoiles à travers les feuilles, respirant et buvant à pleine poitrine le frais repos de la nuit et du bois.

Je venais de quitter Paris pour toujours. J’étais las, las, écœuré plus que je ne saurais dire par toutes les bêtises, toutes les bassesses, toutes les saletés que j’avais vues et auxquelles j’avais participé pendant quinze ans.

J’allai loin, très loin, dans ce bois profond, en suivant un chemin creux qui conduit au village de Crouzille, à quinze kilomètres d’ici.

Tout à coup mon chien, Bock, un grand Saint-Germain qui ne me quittait jamais, s’arrêta net et se mit à grogner. Je crus à la présence d’un renard, d’un loup ou d’un sanglier ; et j’avançai doucement, sur la pointe des pieds, afin de ne pas faire de bruit ; mais soudain j’entendis des cris, des cris humains, plaintifs, étouffés, déchirants.

Certes, on assassinait quelqu’un dans un taillis, et je me mis à courir, serrant dans ma main droite une lourde canne de chêne, une vraie massue.

J’approchais des gémissements qui me parvenaient maintenant plus distincts, mais étrange-