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moiron

L’empereur demeurait indécis, sollicité par sa bonté naturelle et retenu par la crainte de se laisser jouer par un misérable ; mais l’impératrice, convaincue que le prêtre avait obéi à une sollicitation divine, répétait : « Qu’importe ! Il vaut mieux épargner un coupable que tuer un innocent ! » Son avis l’emporta. La peine de mort fut commuée en celle des travaux forcés.

Or j’appris, quelques années après, que Moiron, dont la conduite exemplaire au bagne de Toulon avait été de nouveau signalée à l’empereur, était employé comme domestique par le directeur de l’établissement pénitencier.

Et puis, je n’entendis plus parler de cet homme pendant longtemps.

Or, il y a deux ans environ, comme je passais l’été à Lille, chez mon cousin de Larielle, on me prévint un soir, au moment de me mettre à table pour dîner, qu’un jeune prêtre désirait me parler.

J’ordonnai de le faire entrer, et il me supplia de venir auprès d’un moribond qui désirait absolument me voir. Cela m’était arrivé souvent dans ma longue carrière de magistrat, et, bien que mis à l’écart par la République, j’étais encore appelé