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moiron

– Voilà… je vous dois la vérité… à vous… car il faut la dire à quelqu’un avant de quitter la terre.

C’est moi qui ai tué les enfants… tous… c’est moi… par vengeance !

Écoutez. J’étais un honnête homme, très honnête… très honnête… très pur – adorant Dieu – ce bon Dieu – le Dieu qu’on nous enseigne à aimer, et pas le Dieu faux, le bourreau, le voleur, le meurtrier qui gouverne la terre. Je n’avais jamais fait le mal, jamais commis un acte vilain. J’étais pur comme on ne l’est pas, monsieur.

Une fois marié, j’eus des enfants et je me mis à les aimer comme jamais père ou mère n’aima les siens. Je ne vivais que pour eux. J’en étais fou. Ils moururent tous les trois ! Pourquoi ? pourquoi ? Qu’avais-je fait, moi ? J’eus une révolte, mais une révolte furieuse ; et puis tout à coup j’ouvris les yeux comme lorsque l’on s’éveille ; et je compris que Dieu est méchant. Pourquoi avait-il tué mes enfants ? J’ouvris les yeux, et je vis qu’il aime tuer. Il n’aime que ça, monsieur. Il ne fait vivre que pour détruire ! Dieu, monsieur, c’est un massacreur. Il lui faut