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nos lettres

« J’ai l’air de dire une très vilaine chose en parlant d’abord de votre mort et ensuite en soupçonnant la discrétion des vôtres.

« Mais nous mourrons tous, un jour ou l’autre, n’est-ce pas ? et il est presque certain qu’un de nous deux précédera l’autre sous terre. Donc, il faut prévoir tous les dangers, même celui-là.

« Quant à moi, je garderai vos lettres à côté des miennes, dans le secret de mon petit secrétaire. Je vous les montrerai là, dans leur cachette de soie, côte à côte dormant, pleines de votre amour, comme des amoureux dans un tombeau.

« Vous allez me dire : » Mais, si vous mourez la première, ma chère, votre mari les trouvera, ces lettres. »

« Oh ! moi, je ne crains rien. D’abord, il ne connaît point le secret de mon meuble, puis il ne le cherchera pas. Et même s’il le trouve, après ma mort, je ne crains rien.

« Avez-vous quelquefois songé à toutes les lettres d’amour trouvées dans les tiroirs des mortes ? Moi, depuis longtemps j’y pense, et ce sont mes longues réflexions là-dessus qui m’ont décidée à vous réclamer mes lettres.