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nos lettres

« Pensez, mon cher, à ce qu’est l’homme, le cœur de l’homme. On se venge d’une vivante ; on se bat avec l’homme qui vous déshonore, on le tue tant qu’elle vit, parce que… oui, pourquoi ? Je ne le sais pas au juste. Mais, si on trouve, après sa mort, à elle, des preuves pareilles, on les brûle, et on ne sait rien, et on continue à tendre la main à l’ami de la morte, et on est fort satisfait que ces lettres ne soient pas tombées en des mains étrangères et de savoir qu’elles sont détruites.

« Oh ! que j’en connais, parmi mes amis, des hommes qui ont dû brûler ces preuves, et qui feignent ne rien savoir, et qui se seraient battus avec rage s’ils les avaient trouvées quand elle vivait encore. Mais elle est morte. L’honneur a changé. La tombe c’est la prescription de la faute conjugale.

« Donc je peux garder nos lettres qui sont, entre vos mains, une menace pour nous deux.

« Osez dire que je n’ai pas raison.

« Je vous aime et je baise vos cheveux.

« Rose. »