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conte de noël

La femme écoutait, toute pâle.

— Pour sûr que j’ai entendu des sifflets l’autre nuit, même qu’ils semblaient v’nir de la cheminée.

On se mit à table, on mangea la soupe d’abord, puis, pendant que le mari étendait du beurre sur son pain, la femme prit l’œuf et l’examina d’un œil méfiant.

— Si y avait quéque chose dans c’t'œuf ?

— Que que tu veux qu’y ait ?

— J’sais ti, mé ?

— Allons, mange-le, et fais pas la bête.

Elle ouvrit l’œuf. Il était comme tous les œufs, et bien frais.

Elle se mit à le manger en hésitant, le goûtant, le laissant, le reprenant. Le mari disait :

— Eh bien ! qué goût qu’il a, c’t'œuf ?

Elle ne répondit pas et elle acheva de l’avaler ; puis, soudain, elle planta sur son homme des yeux fixes, hagards, affolés ; leva les bras, les tordit et, convulsée de la tête aux pieds, roula par terre, en poussant des cris horribles.

Toute la nuit elle se débattit en des spasmes épouvantables, secouée de tremblements ef-