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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/174

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en mer

Au soleil levant on apercevait de nouveau l’Angleterre, mais, comme la mer était moins dure, on repartit pour la France en louvoyant.

Vers le soir, Javel cadet appela ses camarades et leur montra des traces noires, toute une vilaine apparence de pourriture sur la partie du membre qui ne tenait plus à lui.

Les matelots regardaient, disant leur avis.

— Ça pourrait bien être le Noir, pensait l’un.

— Faudrait de l’iau salée là-dessus, déclarait un autre.

On apporta donc de l’eau salée et on en versa sur le mal. Le blessé devint livide, grinça des dents, se tordit un peu ; mais il ne cria pas.

Puis, quand la brûlure se fut calmée : « Donne-moi ton couteau », dit-il à son frère. Le frère tendit son couteau.

« Tiens-moi le bras en l’air, tout drait, tire dessus. »

On fit ce qu’il demandait.

Alors il se mit à couper lui-même. Il coupait doucement, avec réflexion, tranchant les derniers tendons avec cette lame aiguë, comme un fil de rasoir ; et bientôt il n’eut plus qu’un moi-