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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/201

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le testament

me comprenant. Ma mère ne disait rien ; elle vivait dans cette maison toujours bruyante comme ces petites souris qui glissent sous les meubles. Effacée, disparue, frémissante, elle regardait les gens de ses yeux inquiets et clairs, toujours mobiles, des yeux d’être effaré que la peur ne quitte pas. Elle était jolie pourtant, fort jolie, toute blonde d’un blond gris, d’un blond timide ; comme si ses cheveux avaient été un peu décolorés par ses craintes incessantes.

Parmi les amis de M. de Courcils qui venaient constamment au château, se trouvait un ancien officier de cavalerie, veuf, homme redouté, tendre et violent, capable des résolutions les plus énergiques, M. de Bourneval, dont je porte le nom. C’était un grand gaillard maigre, avec de grosses moustaches noires. Je lui ressemble beaucoup. Cet homme avait lu, et ne pensait nullement comme ceux de sa classe. Son arrière-grand’mère avait été une amie de J.-J. Rousseau, et on eût dit qu’il avait hérité quelque chose de cette liaison d’une ancêtre. Il savait par cœur le Contrat social, la Nouvelle Héloïse et tous ces livres philosophants qui ont préparé de loin le futur bouleversement