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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/44

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ce cochon de morin

leux, velouté, parfumé, grisant. Je ne pouvais ôter ma bouche des bords délicieux de sa tasse.

À peine la jeune fille était-elle sortie que Rivet entra. Il semblait un peu nerveux, agacé comme un homme qui n’a guère dormi ; il me dit d’un ton maussade : « Si tu continues, tu sais, tu finiras par gâter l’affaire de ce cochon de Morin. »

À huit heures, la tante arrivait. La discussion fut courte. Les braves gens retiraient leur plainte, et je laisserais cinq cents francs aux pauvres du pays.

Alors, on voulut nous retenir à passer la journée. On organiserait même une excursion pour aller visiter des ruines. Henriette, derrière le dos de ses parents, me faisait des signes de tête : « Oui, restez donc. » J’acceptais, mais Rivet s’acharna à s’en aller.

Je le pris à part ; je le priai, je le sollicitai ; je lui disais : « Voyons, mon petit Rivet, fais cela pour moi. » Mais il semblait exaspéré et me répétait dans la figure : « J’en ai assez, entends-tu, de l’affaire de ce cochon de Morin. »

Je fus bien contraint de partir aussi. Ce fut un des moments les plus durs de ma vie. J’aurais