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CE COCHON DE MORIN

Morin la dévorait des yeux. Elle semblait avoir dix-neuf à vingt ans ; elle était blonde, grande, d’allure hardie. Elle roula autour de ses jambes une couverture de voyage, et s’étendit sur les banquettes pour dormir.

Morin se demandait : « Qui est-ce ? » Et mille suppositions, mille projets lui traversaient l’esprit. Il se disait : « On raconte tant d’aventures de chemin de fer. C’en est une peut-être qui se présente pour moi. Qui sait ? une bonne fortune est si vite arrivée. Il me suffirait peut-être d’être audacieux. N’est-ce pas Danton qui disait : « De l’audace, de l’audace, et toujours de l’audace. » Si ce n’est pas Danton, c’est Mirabeau. Enfin, qu’importe. Oui, mais je manque d’audace, voilà le hic. Oh ! Si on savait, si on pouvait lire dans les âmes ! Je parie qu’on passe tous les jours, sans s’en douter, à côté d’occasions magnifiques. Il lui suffirait d’un geste pour- -