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CE COCHON DE MORIN

gai. Morin tressaillit. Pas de doute, c’était pour lui ce sourire-là, c’était bien une invitation discrète, le signal rêvé qu’il attendait. Il voulait dire, ce sourire : « Êtes-vous bête, êtes-vous niais, êtes-vous jobard, d’être resté là, comme un pieu, sur votre siège depuis hier soir.

« Voyons, regardez-moi, ne suis-je pas charmante ? Et vous demeurez comme ça toute une nuit en tête à tête avec une jolie femme sans rien oser, grand sot. »

Elle souriait toujours en le regardant ; elle commençait même à rire ; et il perdait la tête, cherchant un mot de circonstance, un compliment, quelque chose à dire enfin, n’importe quoi. Mais il ne trouvait rien, rien. Alors, saisi d’une audace de poltron, il pensa : « Tant pis, je risque tout » ; et brusquement, sans crier « gare », il s’avança, les mains tendues, les lèvres gourmandes, et, la saisissant à plein bras, il l’embrassa.