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LE CRIME AU PÈRE BONIFACE.

patis, arrivé la semaine dernière, et marié depuis peu.

Il recevait un journal de Paris, et, parfois, le facteur Boniface, quand il avait le temps, jetait un coup d’œil sur l’imprimé, avant de le remettre au destinataire.

Donc, il ouvrit sa sacoche, prit la feuille, la fit glisser hors de sa bande, la déplia, et se mit à lire tout en marchant. La première page ne l’intéressait guère ; la politique le laissait froid ; il passait toujours la finance, mais les faits-divers le passionnaient.

Ils étaient très nourris ce jour-là. Il s’émut même si vivement au récit d’un crime accompli dans le logis d’un garde-chasse, qu’il s’arrêta au milieu d’une pièce de trèfle, pour le relire lentement. Les détails étaient affreux. Un bûcheron, en passant au matin auprès de la maison forestière, avait remarqué un peu de sang sur le seuil, comme si on avait saigné du nez. « Le garde aura tué quelque lapin cette nuit, » pensa-t-il ; mais en approchant il s’aperçut que la porte demeurait entr’ouverte et que la serrure avait été brisée.

Alors, saisi de peur, il courut au village prévenir le maire, celui-ci prit comme renfort le garde champêtre et l’instituteur ; et les quatre hommes revinrent ensemble. Ils trouvèrent le forestier égorgé devant la cheminée,