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CONTES DU JOUR ET DE LA NUIT

attendaient, prêts à tout, les yeux fixés sur lui.

Il demeura longtemps immobile, écoutant. Pour mieux approcher sa tête du volet de bois, il avait ôté son tricorne et le tenait de sa main droite.

Qu’entendait-il ? Sa figure impassible ne révélait rien, mais soudain sa moustache se retroussa, ses joues se plissèrent comme pour un rire silencieux, et enjambant de nouveau la bordure de buis, il revint vers les deux hommes, qui le regardaient avec stupeur.

Puis il leur fit signe de le suivre en marchant sur la pointe des pieds ; et, revenant devant l’entrée, il enjoignit à Boniface de glisser sous la porte le journal et les lettres.

Le facteur, interdit, obéit cependant avec docilité.

— Et maintenant, en route, dit le brigadier.

Mais dès qu’ils eurent passé la barrière il se retourna vers le piéton, et, d’un air goguenard, la lèvre narquoise, l’œil retroussé et brillant de joie :

— Que vous êtes un malin, vous?

Le vieux demanda :

— De quoi ? j’ai entendu, j’vous jure que j’ai entendu.

Mais le gendarme, n’y tenant plus, éclata de rire. Il riait comme on suffoque, les deux